Dans une chronique pour TV Magazine, Isabelle Morini-Bosc prend en 1999 la défense de Lagaf', qui anime alors Le Bigdil
Que disait La Fontaine déjà ? Que selon qu'un individu serait puissant ou misérable, il serait bien ou mal traité. Alors, autant vous le dire, s'il avait vécu aujourd'hui, il aurait surtout évoqué les phénomènes de mode. Selon que vous serez dans l'air du temps ou non, vous serez plus ou moins malmené. Surtout si vous travaillez à la télévision qui déchaîne les passions. Parfois sans raison. Car bien souvent nous les médias notons les émissions et ceux qui les font sans seulement songer à les regarder. Notre milieu, sûr de son goût qu'il a forcément bon, ne croit pas toujours utile de se brancher sur ce qui ne le branche pas. Histoire sans doute de ne pas être influencé dans son jugement ! Où veux-je en venir ? A Vincent Lagaf'. Lagaf' champion de l'audience entre 19 h et 20 h, Lagaf' adulé par ses fidèles, détesté par les autres. Tellement peu "tendance", Lagaf'. Tellement plouc. Tellement absent des endroits à la mode où il faut voir et se faire voir... Être mal jugé par une profession qu'il juge mal le dérange d'ailleurs à peu près autant qu'une crotte de pigeon dérange une statue, et bien qu'il ne soit pas branché, le courant passe sur TF1. Ce qui en exaspère plus d'un. "Ce mec est indigne", m'a ainsi déclaré un de mes amis avec d'autant plus d'assurance qu'il ne l'a jamais suivi sur la Une. "C'est le nivellement par le bas". Autrement dit, le syndrome de la pomme pourrie qui pourrit ce avec quoi elle est en contact. Et bien, là, ma foi, nous ne sommes pas loin du procès d'intention dans une intention pas très pure. Car voyez-vous, j'ai voulu voir "Le bigdil". Je suis donc venue, j'ai vu, j'ai été assez convaincue.
La vulgarité de cette quotidienne ne m'a pas sauté aux yeux comme la tique sur un chien. J'y ai vu un produit bien fait pour le public qu'il visait : 100 % énergie, 100 % bon enfant, l'argent du budget se voyait de surcroît sur l'écran, ce qui n'est pas toujours le cas. Certes, "Le bigdil" ce n'est pas le championnat du monde d'échecs, mais pourquoi justement lui reprocher d'avoir fait ce qu'il avait prévu de faire, tout ce qu'il avait prévu de faire et seulement ce qu'il avait prévu de faire ? Reproche-t-on au "Journal de Mickey" de ne pas publier l'intégrale de Sartre, ou à "Lucky Luke" de ne pas citer les pensées de Freud ? Et que l'on ne déduise pas que j'ai des actions dans la maison Lagaf', je m'intéresse à peu près autant à lui qu'aux théories du mathématicien Bachelard, c'est à dire pas du tout. Cela n'autorise pas l'injustice. D'autant que j'ai remarqué un détail significatif au fil des années : si Lagaf' est du genre "forte tête ingérable", il a une qualité : il n'est odieux qu'avec les puissants et les journalistes. Et ça voyez vous c'est tellement rare dans ce milieu où l'on cultive l'attitude inverse qu ça valait la peine de le souligner... Mais oui.